ENCRASSEMENT DES CHAUDIERES

L'encrassement des chaudières côté feu.
Par Pierre ROUSSEAU, directeur technique de la société A.I.T-DRIVEX.



L'encrassement coûte cher. On en voudra pour preuve les chiffres rapportés par le GRETH dans l'étude publiée en 1990 selon laquelle l'encrassement des générateurs de chaleur, chaudières à vapeur ou à eau surchauffée, coûterait annuellement en France trois mille cent millions de francs français, sans compter les pertes d'exploitation résultant des arrêts de fabrication consécutifs aux pertes de rendement thermique, aux arrêts pour nettoyage ou pour remplacement des tubes corrodés.

Le nettoyage a un coût. Les technologies disponibles, bien que se voulant universelles pour une chaudière déterminée, ne le sont pas. Il y a donc un problème de faisabilité.


CAUSES PRINCIPALES DE L'ENCRASSEMENT

Caractéristiques des combustibles

Les combustibles fossiles liquides ou solides ne sont plus ce qu'ils étaient il y a vingt ans. Les fiouls lourds sont le résultat de savants mélanges destinés à permettre la commercialisation de produits lourds particulièrement chargés en asphaltènes. Les charbons français, peu cendreux, peu chargés en soufre et d'un calibrage régulier, sont de plus en plus souvent remplacés par des charbons d'importation, certes contrôlés, mais parfois plus difficiles à brûler.

Recherches d'économies

On a cherché, non sans succès, à réduire le poids et l'encombrement des chaudières à production de vapeur égale, en diminuant les sections de passage des fumées et en multipliant le nombre des chicanes sur le parcours des gaz. Cela a augmenté la résistance des générateurs au passage des fumées (pertes de charge accrues) et, hélas aussi, les dépôts de suie dans les zones les moins bien léchées par les fumées. (changements de direction, ou angles par exemple).

Automatisation des chaudières

L'exploitation automatisée a éloigné des chaudières le personnel expérimenté qui savait régler un feu à l'oeil ; elle dépend donc, plus qu'avant, des instruments de mesure et d'analyse qui gèrent les chaudières et par conséquent, de leur bon entretien et de leur étalonnage régulier.

Allongement des campagnes de chauffe entre deux nettoyages

Pour les mêmes raisons économiques qui ont conduit à "compacter" les chaudières et à en automatiser le fonctionnement, on a aussi cherché à augmenter la durée des campagnes de chauffe. Les visites annuelles sont parfois effectuées à leur terme réglementaire de dix huit mois. II existe cependant pour certains types d'industries et pour des conditions de marche déterminées, des dérogations allant jusqu'à quarante mois. Mais ce noble but sera sans doute difficile à atteindre, car dans certains cas, l'encrassement des générateurs peut augmenter de façon brutale et non maîtrisable en quelques jours et nécessiter ainsi un arrêt non programmé pour un nettoyage d'urgence.

Vieillissement du parc des chaudières

Selon l'étude la plus récente de François Kennel de l'apave Parisienne, soixante-deux pour cent du parc de chaudières ont plus de vingt ans. Les années passant, sommes nous certains que ces chaudières sont aussi performantes qu'il y a vingt ou vingt-cinq ans date de leur construction, du fait de leur encrassement, à moins bien sûr de les "déshabiller" de façon périodique pour pouvoir accéder à la totalité des surfaces d'échange et les nettoyer complètement, cela est fort coûteux et pénalisant pour l'exploitant.

INVENTAIRE DES MOYENS DE NETTOYAGE EN MARCHE : AVANTAGES ET INCONVENIENTS

Pour tenter de maintenir ou de restituer leurs performances à ces chaudières, un certain nombre de solutions ont été imaginées. Chacune d'elles a ses avantages et ses inconvénients.

Les ramonages à la vapeur ou à l'air comprimé

Ces procédés font appel à des appareils spécialement construits à cet usage qui doivent être adaptés à la technologie des chaudières ou des échangeurs auxquels ils sont destinés et utilisés de manière régulière suivant les prescriptions du fabricant.

En raison de leur rayon d'action limité, ils sont chers en environnement : tuyauteries, robinetterie, passerelles d'accès, calorifuges. Plus la chaudière est petite, plus l'appel de vapeur de ramonage perturbera le process aval ou le fonctionnement du générateur lui même. Cependant, cette technologie est la seule technique dont les lettres de créances sont patentes, quel que soit le combustible, le type de dépôts : visqueux, pulvérulents, etc.

Les constructeurs de tels appareils sont peu nombreux sur le marché français ; une entreprise, BPE-Forest le domine dans le domaine des chaudières de grande centrale et des chaudières industrielles et tertiaires. Filiale du groupe britannique Clyde P.L.C. cette société est aujourd'hui en mesure de couvrir la totalité des besoins des exploitants, y compris le grenaillage et la manutention des suies.

Afin de pouvoir faire face à l'évolution des problèmes d'encrassement résultant de l'utilisation de nouveaux combustibles ou des nouvelles techniques de combustion, BPE-Forest consacre une part importante de son budget à la recherche et développement. Le contrat de partenariat signé avec la société A.I.T. est l'une des constituantes de sa stratégie.

Le frappage

Il est réservé à des chaudières construites pour être nettoyées par ce système. Cette technique est limitée aux encrassements pulvérulents, aux chaudières de petite puissance. Sa nocivité éventuelle sur les collecteurs et piétements de tubes n'est pas parfaitement connue. De plus, il est difficile d'établir des prévisions à priori au sujet de la vitesse d'encrassement, ce qui gêne l'établissement du planning exploitation.

Le grenaillage

Cette technique, destructrice de la couche d'oxyde qui recouvre les tubes, est à éviter pour les températures de peau supérieures à 450°C. Elle n'est pas applicable aux chaudières de plus de 50 tonnes/heure, sauf localement (économiseurs ou réchauffeurs d'air par exemple). Enfin, l'humidification des cendres peut provoquer de sérieux colmatages difficiles à éliminer.

Les vibrations acoustiques

Les constructeurs de ce type d'appareils prennent soin d'écrire dans leurs documentations techniques que leurs systèmes ne sont efficaces que sur des cendres sèches, c'est-à-dire non visqueuses. Chacun sait que les mécanismes d'encrassement font intervenir la composition minéralogique des cendres ainsi que des mécanismes de diffusion et de thermophorèse. Un dépôt, apparemment pulvérulent peut devenir localement visqueux, même temporairement : il ne sera jamais éliminé par les vibrations.

D'autre part, les effets pervers des vibrations sur les studs supportant les réfractaires du foyer, les piétements de tubes, les sondes in situ et le confort d'exploitation enfin, ne doivent pas être négligés.

L'injection de réactifs chimiques dans le combustible

L'additivation des combustibles n'est réellement envisageable que dans les fiouls liquides. Globalement, s'ils sont correctement choisis, les résultats obtenus sont satisfaisants.

L'adjonction de réactifs liquides ou solides dans les charbons ou dans les déchets ménagers ou industriels pose de gros problèmes de mélange afin d'obtenir un rapport constant entre le réactif chimique et les gaz ou les dépôts à traiter.

L'encrassement fait intervenir des mécanismes physico-chimiques locaux : un réactif injecté dans le combustible ou dans la flamme ne pourra - à moins d'être universel, mais on l'attend toujours - avoir un comportement adapté à toutes les situations locales. Au mieux, il sera inefficace dans certaines zones, au pire, il aura des effets secondaires adverses (coquille d'oeuf, etc.).

Enfin, certains réactifs pulvérulents ont un point de fusion si bas qu'ils fondent dans la zone de réchauffage des déchets ou dans la trémie à charbon. Ils sont dès lors inefficaces.

Les réactifs liquides injectés dans la flamme n'ont pas encore totalement démontré leur efficacité. Cela tient sans doute à ce que la dispersion de ces réactifs dans la flamme est tributaire des courants préférentiels qui règnent dans la chambre de combustion et qu'une partie des réactifs s'y perd inutilement alors qu'il serait nécessaire que les particules actives se déposent sur les faisceaux qu'elles doivent traiter. Cependant, le traitement préventif chimique est le seul, avec le ramonage à la vapeur, à l'eau ou à l'air, qui peut, à condition d'utiliser des réactifs appropriés, avoir un effet prévisible à priori. Plusieurs exemples peuvent être cités : chauffage urbain, usine d'incinération de déchets industriels, industries, etc.

L'expérience a montré que les traitements chimiques seuls ne permettaient pas de se passer totalement des ramonages mécaniques qui sont nécessaires pour "décrocher" les dépôts friabilisés par le traitement chimique. Inversement, ces mêmes traitements chimiques peuvent contribuer à donner leur efficacité maximale aux ramonages mécaniques.

C'est donc dans cet esprit de complémentarité que la société BPE-Forest du groupe Clyde, qui propose toutes les techniques de nettoyage en marche et la société A.I.T. travaillent ensemble depuis plusieurs mois avec pour objectifs :
- d'améliorer la diffusion des réactifs chimiques dans le parcours de fumée,
- d'augmenter l'efficacité des systèmes Forest,
et, par conséquent, économiser l'énergie et augmenter la durée de fonctionnement des générateurs.

Dans ce domaine, comme dans d'autres, il n'y a pas de solution miracle ni de solution standardisée. Chaque cas est un cas nouveau ; les constructeurs comme les utilisateurs doivent le comprendre, faute de quoi ils sont déçus et cela ne fait pas progresser la technique.

INVENTAIRE DES MOYENS DE NETTOYAGE DES CHAUDIERES A L'ARRET : AVANTAGES ET INCONVENIENT

Le lavage à l'eau courante ou sous pression

Il est bien connu que dans les chaudières à fioul notamment, une grande partie des dépôts est soluble à l'eau. Effectué à l'aide d'eau sous haute pression ou simplement au jet, c'est la solution la plus couramment utilisée.

Nécessaire dans certains cas, cette méthode implique désormais le respect des termes de la loi de 1975, complétée par les décrets de 1992 concernant la destruction dans des centres spécialisés des effluents liquides qui résultent de ces lavages.

Dans les chaudières fonctionnant au charbon, l'élimination des dépôts durs et adhérents ne peut se faire qu'à l'aide de jets d'eau sous très haute pression (jusqu'à 1 000 bar et plus).

En dépit de toutes les précautions prises, il peut y avoir quelques infiltrations d'eau dans les réfractaires ou sous les grilles.

Quoiqu'il en soit, il faut respecter la loi concernant la récupération et l'élimination des effluents
liquides.

Depuis plusieurs années, ces différents problèmes constituaient l'un des sujets de réflexion des responsables de la société A.I.T. qui disposaient de produits susceptibles de déstructurer certains dépôts. Manquaient les moyens de supprimer les ruissellements et celui d'introduire ces produits dans les parties les moins accessibles de certains générateurs. Jusqu'au jour où... l'idée est née d'utiliser lesdits produits liquides sous forme de mousse.

Comparée à la mise en oeuvre par pulvérisation des produits liquides, la mousse présente en effet plusieurs avantages non négligeables
- elle ne ruisselle pas et s'accroche aux dépôts tant qu'il y en a à détruire,
- elle s'infiltre beaucoup mieux qu'un liquide et atteint mieux et plus vite le coeur des faisceaux,
- elle permet au personnel de travailler dans des conditions plus confortables puisqu'il n'y a pas d'éclaboussures,
- elle ne génère pas plus d'effluents qu'il n'y a de dépôts dans la chaudière.

Exemple : pour nettoyer des économiseurs, cinquante litres de produit suffisent ; une chaudière de cent tonnes/h de vapeur au fioul lourd n'a nécessité que trois cents litres de produit ; les réfractaires d'une chaudière ne seront pas mouillés, etc.

Associé à des moyens mécaniques inoffensifs permettant d'économiser le produit et de parfaire la propreté des surfaces d'échange, le procédé Cecomouss, développé en particulier par A.I.T. et ses partenaires, a été présenté à de nombreux exploitants de chaudières industrielles ou tertiaires, de constructeurs et d'organismes de contrôle tel que l'apave.

A l'heure actuelle, plusieurs exploitants de chauffage urbain, et des industriels ont déjà fait confiance à ce procédé.

Les constructeurs de chaudières sont eux aussi très intéressés entre autres propositions, par le procédé Cecomouss. Dans l'état actuel de l'économie française, ils ont intérêt à proposer à leurs clients des solutions innovantes susceptibles de conserver leurs générateurs en bon état plus longtemps.

CONCLUSION

Ce procédé n'est pas encore applicable à toutes les chaudières, ni à tous les combustibles. Des travaux ont été entrepris en partenariat avec BPE-Forest pour améliorer le procédé en utilisant des souffleurs de suie pour injecter le produit et en optimiser l'efficacité.





 

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